Comme beaucoup de brodeuses que je connais,
je ne sais pas toujours quoi faire de mes broderies terminées. Il y a les
cadres, bien sûr, mais j'ai parfois envie de changer et l'idée m'avait été
donnée par mon professeur de reliure Hélène Limousin. J'ai réalisé sous sa
direction un carton à dessins sur la couverture duquel j'ai installé une
broderie traditionnelle.
L'intérieur
Le modèle est tiré d'une ancienne revue de
broderie. J'ai brodé à un fil sur du lin jaune avec du fil DMC 6 brins.
Les points utilisés sont le point de tige, le
point de chaînette, le passé plat, le passé empiétant, le point de poste, le point de piqûre et le point de reprise
pour le calice des fleurs.
Dans le langage courant, le mot "rococo"
a une connotation péjorative et signifie "vieillot, démodé, ridicule".
En histoire de l'art, il a un sens positif et correspond à un courant
artistique de la première moitié du XVIIIe siècle qui suit le Baroque et
précède le Néo-classicisme. Ce mouvement est apparu en France avant de se
répandre dans les autres pays d'Europe et surtout en Allemagne et en Europe
centrale. Le terme rococo est le résultat de la fusion du mot "rocaille"
(terme utilisé au XVIIe siècle pour désigner l'imitation des formes des rochers
dans le décor des grottes artificielles et des pavillons de jardin) et de
"baroco". Le style rococo est caractérisé par la profusion
ornementale, le goût des courbes, des formes tourmentées, des couleurs variées.
Il se décline en architecture, peinture, musique et arts décoratifs. L'architecture rococo se caractérise par sa fluidité, sa légèreté et la
délicatesse d'une ornementation très élaborée. A cette époque de raffinement,
l'aménagement des intérieurs permet le développement de l'artisanat (meubles,
stucs, porcelaine etc.) Le décor est dominé par les motifs végétaux, les
coquillages, les volutes, les arabesques.
Le salon des Glaces, pavillon d'Amalienburg, Nymphenburg, près de Munich. Boiseries de Joachim Dietrich et stucs de Johann-baptist Zimmermann (1734-1739)
Carnet de bal en forme de violon, formé de six lamelles d'ivoire enfermées entre deux plaques de porcelaine de Saxe, ornées d'amours musiciens. Le haut se dévisse formant flacon à sels. Monture en or ciselé (L.12,8cm) Musée Cognacq-Jay, Paris
NB : le carnet de bal permettait autrefois aux jeunes filles de noter la liste des morceaux de musique qui allaient être joués lors d'un bal, et en face, le nom des danseurs à qui elles accordaient la danse.
Et la broderie dans ce contexte ?
Si l'on se réfère à l'histoire du costume,
onapprend qu'au XVIIIe siècle, la mode
avait une forte importance dans la société, réfléchissant les attitudes sociales et politiques,
les arts, et bien sûr la richesse et la classe sociale des gens. En 1715, Louis XV et une
période de gaîté succèdent au règne rigide de Louis XIV. A l'avènement de ce
roi , la lourdeur et la couleur noire de l'époque précédente sont remplacées
par les pastels, la lumière et la légèreté. A la cour, une certaine frivolité
se développe. Le style vestimentaire s'en ressent et devient plus doux, plus
élégant, plus féminin. La silhouette devient plus naturelle, moins volumineuse,
les vêtements sont moins chargés, les tissus plus précieux. On utilise le
satin, le velours, le taffetas et la soie. Les robes se couvrent de broderies
fleuries. C'est dans ce contexte qu'apparaît la broderie rococo, à base de rubans
de soie.
La broderie rococo fut adoptée par les pays
anglo-saxons qui l'intégrèrent à leur style. L'Epoque Victorienne la mit à
l'honneur. Avec les guerres mondiales, elle tomba dans l'oubli pour revenir en
force dans le 4e quart du XXe siècle, essentiellement dans la haute couture. Actuellement, elle est d'actualité dans la broderie de loisir et chez les "patcheuses" qui
en agrémentent leurs ouvrages.
La technique
La broderie rococo, plus connue à notre
époque sous le nom de "broderie au ruban" consiste à broder en
utilisant des rubans de soie, de 2, 4, 7 ou 13 mm de largeur, que l'on enfile
dans le chas de l'aiguille. On brode surtout des motifs floraux, fleurs et feuilles,
en essayant de rendre un effet naturel. On utilise des points de broderie
traditionnels comme le point lancé, le point de tige, de bouclette, de nœud et
des points spécifiques comme le point de ruban !
Des livres et des sites
internet très nombreux aident à aborder cette technique de broderie qui n'est
pas aussi facile qu'il y paraît au premier abord. Personnellement, je m'y
essaie après avoir rencontré sur des salons Christiane Peymirat-Husseret Nicole Poinsot, toutes deux d'une très
grande générosité dans leur démonstration, et pour moi, de vraies magiciennes !
J'ai acheté un de leurs livres :
Broder avec des rubans aux
Editions L'inédite, collection Fragments (Françoise Bourel, Nicole Poinsot et
Christiane Peymirat-Husser), 2006.
Dans leur préface, elles écrivent :
"Il
y a une curieuse alchimie entre le ruban et la brodeuse. On ne sait qui est le
maître. La fleur naît toujours ressemblante et jamais pareille. La brodeuse
devient une jardinière de l'intemporel, elle transfigure le périssable en souvenir
durable. Son regard même sur la nature change. Elle découvre les secrets de
l'architecture des fleurs, des coloris insoupçonnés qu'elle souhaite reproduire
ou du moins approcher en mêlant abstraction et réalisme. Chaque broderie a une
vie propre et communique des sensations de plaisir sans cesse renouvelées."
Un peu de poésie, ça ne peut pas faire de
mal...
Essai de broderie au ruban
Je suis partie de ce modèle initialement prévu pour de la broderie traditionnelle.
Je vous montre aujourd'hui une broderie enpeinture à l'aiguille, terminée
il y a quelque temps et que j'appelais jusqu'à aujourd'hui
"scarabée". Mais soyons plus précis et donnons-lui sa véritable
identité : le chrysomèle du romarin. Si vous regardez sur internet, vous verrez
qu'il s'agit "d' un insecte de l'ordre des coléoptères, de la famille des
chrysomelidés, aux élytres présentant des reflets métallisés verts et violets,
mesurant 5 à 7 mm de long, qui s'attaque aux lamiacées et plus particulièrement
aux lavandes, thym, romarin..."Les jardiniers ne l'aiment pas, vu sa
voracité !
Quant à moi, je n'ai pas eu à m'en plaindre
et pour la broder, je me suis basée sur une carte postale qui présentait
l'animal vu de dessus et vu de côté. C'est cette dernière posture que j'ai
choisie.
Le temps de travail, sous la direction de
..., mon professeur de broderie, n'a pas été très long. La surface
brodée n'est pas énorme et j'ai travaillé vite en restant bien motivée.
Il s'agissait d'un exercice intéressant pour apprendre
à donner l'impression de volume car la carapace de l'insecte est bombée. Comme d'habitude, j'ai
joué sur les couleurs pour rendre des effets d'ombre et de lumière et créer le relief. Quant
au sens des points, sur ce modèle, il n'y avait pas de difficulté particulière
car j'ai suivi le sens des rayures.
J'ai utilisé du fil mouliné DMC en prenant un
fil, sauf pour le vert clair du dessus que j'ai travaillé en soie.
J'ai réalisé l'encadrement grâce aux conseils
avisés de Catherine, de l'atelier de l'Oussière, déjà cité !
Si vous voulez des précisions concernant ce
travail, n'hésitez pas à me questionner ! Je vous répondrai avec plaisir !